Comme chacun sait, Pâques revêt plus d'importance aux yeux des Chrétiens que Noël : la résurrection du Christ est un évènement plus fort que sa naissance. Or, les Guyanais sont très croyants et pratiquent assidûment. Le dimanche matin, les églises et les temples sont très fréquentés, et les fidèles se mettent sur leur 31. Je suis toujours frappée par l'élégance des femmes qui se rendent à la messe dominicale...
D'abord une fête religieuse
Pâques est donc une fête importante en Guyane. Au delà des chocolats traditionnels qui abondent dans les supermarchés, les rayons s'emplissent également de livres de culte : bibles pour tous les âges, préparation de la communion, de la profession de foi et de la confirmation. Je ne me souviens pas d'avoir vu ce genre d'ouvrages dans les magasins de Métropole...
On trouve également des "rameaux" artisanaux sur les marchés pour la préparation de Pâques (le dimanche des rameaux précède d'une semaine le week-end pascal). En forme de cône évoquant une pomme de pin allongée, ces rameaux sont constitués de feuilles de palmier tressées. Décoratifs et faciles à trouver, ils sont aussi très abordables : de 2 à 5 euros pièce.
Comme on le comprend vite, la célébration pascale a conservé ici toute sa dimension religieuse, et ne limite pas au passage commercial des Cloches de Pâques...
A table !
Cet aspect n'est pas oublié pour autant, même si les arrivages de chocolats se font plus tardifs qu'en métropole : les premières confiseries apparaissent dans les linéaires guyanais à peine 10 jours avant le week-end pascal... On s'en doute, la chasse aux oeufs pose un problème logistique : le chocolat fond très vite au contact de la chaleur. Sachant qu'il fait déjà 27-28°C le matin au réveil, il vaut mieux prévoir une quête matinale et disposer les poules, lapins or et autres cloches au dernier moment. D'autant que les "fourmis sucre" (minuscules fourmis extrêmement grégaires et organisées) ont tôt fait d'investir - et de détériorer irrémédiablement - le moindre aliment sucré accessible...
Pour cette première Pâques en Guyane, les enfants étaient donc sur le pont (ou plutôt, sur le balcon-terrasse) dès 7h30, et sitôt le butin partagé, les précieux chocolats sont retournés dans le bac à légumes du frigo (où ils patientaient depuis quelques jours)...
Attention, plat national !
Restons à table avec le menu traditionnel de Pâques ! Pas d'agneau pascal, ici (aucun élevage de moutons en Guyane, d'ailleurs), mais du bouillon d'Awara, le plat national guyanais. L'awara est un palmier littoral à "tronc" (stipe) couvert de piquants acérés et dont le fruit est comestible (comme le comou, le wasai et bien d'autres - j'y reviendrai en détail dans un article dédié).
La base de ce plat typique repose sur une pâte de fruits d'awara, dont on tire un bouillon. On y ajoute ensuite viandes (boeuf, porc, poulet, dont : lard fumé, queues de cochon, petit salé), produits de la mer (poisson boucané, chancres, crevettes) et légumes (haricots verts, épinards pays, concombres piquants, concombres longes (courge vert pâle), choux, aubergines). Après 12 heures de dessalage, le plat doit mijoter au moins 7 heures : c'est une recette au long court et un plat collectif par excellence (on prépare au bas mot pour 10 personnes d'un coup) ! Si vous êtes curieux, la recette détaillée se trouve ici.
Le bouillon d'awara est si emblématique de la période pascale qu'un grand concours est organisé sous l'égide de la radio-télévision guyanaise le samedi de Pâques. C'est l'occasion d'acheter une portion familiale et de goûter ce plat traditionnel (parce qu'il n'est pas envisageable de le préparer soi-même, soyons réalistes) : comptez 25 euros la barquette d'un kilo. C'est assez bon, mais un peu salé... Et à l'instar de nombreux plats créoles, il faut trier un peu car l'assiette contient aussi quelques os et morceaux gras (toutes les pièces de viande sont utilisées, pas de gaspillage).