Qui dit 14 juillet, dit cérémonies militaires, feu d'artifice et bal populaire. Le triptyque incontournable des réjouissances pour célébrer dignement la fête nationale, du moins dans l'inconscient collectif... Oui, sauf qu'en Guyane, la voilure festive est considérablement réduite. On va à l'essentiel. Honneurs à l'armée. Exit la pyrotechnie, out les trémoussements en musique, point de fanfare, ni de lampions, pas de liesse citoyenne non plus : des festivités, il ne reste que le (succinct) défilé des troupes. La Bastille est bien loin (dans le temps et dans l'espace) et les finances publiques ont d'autres priorités (dont le Carnaval, fort coûteux et bien plus prisé) : à quoi bon commémorer l'évènement dans une débauche de fusées multicolores et de notes endiablées ?
Prise d'armes sur la place des palmistes
Pour prendre part à ce premier 14 juillet équatorial, rendez-vous à Cayenne, 19h, sur la place des palmistes plongée dans l'obscurité crépusculaire. Contre toute attente, il n'est pas difficile de se garer. Etonnant pour nous à ce stade, car nous croyons encore assister dans la foulée au feu d'artifice traditionnel. Nous serons rapidement détrompés (et déçus, on s'en doute, surtout les enfants). En attendant cette mauvaise nouvelle, nous nous dirigeons donc vers l'épicentre des célébrations, en suivant la foule d'un pas tranquille (on n'est pas à Paris). Pas de difficultés non plus pour se frayer un passage vers le premier rang, pour que les enfants puissent eux aussi profiter du "spectacle". Il y a certes du monde, mais la foule reste relativement clairsemée et, comme toujours en Guyane, aimable et courtoise.
Et là, au pied des palmiers géants, nous découvrons les militaires inter-armes alignés au carré, impeccables dans leur grand uniforme de cérémonie, délimitant une large esplanade centrale largement éclairée, où se tiennent les "officiels" : autorités civiles (M. le Préfet, nouvellement nommé) et militaires (le commandant supérieur des forces armées en Guyane), entre autres. Il se dégage de l'ensemble une impression d'exotisme (la faute aux tenues tropicales, d'une blancheur immaculée) un peu surannée (pour peu, on se croirait encore aux Colonies avec ce protocole élitiste...).
Décorations et émotion
Soudain, lumière ! Un régiment de projecteurs disséminés sur l'herbe s'illuminent à l'unisson et sortent brusquement les soldats de l'ombre. Des haut-parleurs, discrètement installés sur les stipes alentour, prennent aussitôt le relais et nous profitons aux premières loges de l'ambiance. Rien ne nous échappe, ni les ordres secs intimés aux troupes, ni les explications factuelles de la speakerine, l'ensemble dans le jargon propre à l'armée. Vient le moment d'honorer les faits d'arme et de décorer les militaires méritants. Un instant spécial, empreint de respect et de tristesse, en cette soirée où tous savent que cinq homme ont encore péri en Afghanistan sous le feu des Talibans. Un hommage émouvant leur est rendu quand, dans un silence assourdissant, la sonnerie aux morts résonne solennellement dans la nuit...
A l'heure d'épingler les récompenses (3 légion d'honneur, 1 médaille militaire, 6 croix de la valeur militaire), l'Afghanistan est plus que jamais présent. Dans les esprits, sur toutes les lèvres, dans l'énumération des distinctions au combat : tous ont pris part au dispositif Pamir, s'exposant personnellement face à l'ennemi, pour assurer la protection de leurs frères d'arme ou mettre en déroute les rebelles... Et puisqu'on parle du terrain, sachez que la Guyane, avec le plan Harpie de lutte contre l'orpaillage illégal, est le troisième théâtre d'intervention pour l'armée française, après l'Afghanistan et le Liban.
Défilé en comité restreint
S'en suit un modeste mais original défilé des troupes à pied et motorisées, initié par une fanfare martiale aux accents tropicaux : armée de terre, marine, gendarmerie, légionnaires (très présents en Guyane), pompiers... Comme il se doit, les véhicules circulent tous gyrophares allumés et militaires aux garde-à-vous. Ils sont accompagnés d'un ou deux hélicoptères (peu visibles de nuit) et d'une grande variété d'embarcations fluviales dont on devine sans peine l'usage intensif pour combattre le fléau de l'or clandestin.
Et encore une fois, nous pouvons assouvir notre curiosité dans les meilleures conditions. Bébé se montre d'ailleurs très enthousiaste devant tant d'activité à sa portée ! N'allez pas croire pour autant que c'est millimétré comme sur les Champs-Elysées. Non : c'est moins carré, moins léché, dans le pas et la formation ; les officiers dressent, au bord de la rue principale, une haie d'honneur un peu désordonnée et brouillonne ; les haut-parleurs maltraitent les mélodies militaires (en play-back) avec une sonorité de patinoire... Mais l'objectif est moins de parader artificiellement que de tisser un lien entre les militaires, omniprésents en Guyane, et la population...
Bilan de la soirée : pour le moins atypique par sa sobriété, on se souviendra de ce 14 juillet ! Une austérité purement militaire et protocolaire à l'échelle de toute la Guyane... Pour mettre des images sur les mots, ne manquez pas de consulter aussi le florilège photographique de cette version épurée de la fête nationale !