Vol 200 pour Ariane, premier décollage pour nous : un grand rendez-vous, très attendu !
Bouillonnants d'impatience et bien équipés (parapluies, habillage pluie pour la poussette, lotion anti-moustiques, provisions de bouche, jumelles de poche, appareil photo et cartes d'identité), nous voilà sur le pied de guerre, en partance pour Kourou. Pour vivre l'évènement au plus près, et en famille, nous avons jeté notre dévolu sur le Mont Carapa, l'un des trois sites d'observation Ariane administré par le Centre spatial guyanais (CGS pour tout le monde). Il est distant de 12,5 kilomètres du pas de tir, mais c'est le seul lieu accessible avec des jeunes enfants. Pour accéder aux autres sites, plus proches et plus spectaculaires (Agami à 7,5 km du lanceur, salle de contrôle Jupiter), il faut remplir deux conditions supplémentaires : être titulaire d'une invitation nominative (gratuite sur simple demande au service communication du CSG) et surtout être âgé d'au moins 16 ans. Pour un plan familial avec enfant et bébé, c'est donc raté !
H0-3 heures, départ pour Kourou
Le site de Carapa est accessible deux heures avant le lancement, sans invitation et sans restriction d'âge (mais avec contrôle d'identité et de sécurité). C'est une colline au sommet de laquelle on accède par un chemin stabilisé en forte pente (15 %) qui décrit un arc de cercle sur 500 mètres : épuisant, mais praticable en poussette. Il draine donc beaucoup de monde. Sa capacité est limitée à 1450 places et chaque personne, quel que soit son âge (même un bébé) se voit délivrer un ticket numéroté à l'entrée. Et une fois le numerus closus atteint, impossible d'accéder à la plate-forme d'observation. Mieux vaut donc se montrer prévoyant...Nous sommes donc partis 3 heures avant le lancement (1 heure de route depuis Cayenne, 2 heures de délais avant le tir pour être présents à l'ouverture du site).
Le tir est programmé à 18h50 et 55 secondes, nous sommes le mercredi 16 février 2011. C'est le deuxième essai pour Ariane, le vol 200 étant initialement calé le 15 février à 19h07. Nous y étions aussi, mais un incident technique a interrompu la séquence de lancement à peine quatre minutes avant le décollage... Nous voici donc de retour. Aux premières loges, encore une fois, mais sous une pluie battante. La météo est mauvaise : ciel bas et pesant, couverture de nuages denses, horizon bouché... Ariane n'a que faire de la pluie : du moment qu'il n'y a pas de vent latéral ou de vent d'altitude, elle peut décoller. Les spectateurs, eux, sont quittes pour une douche tropicale et une vision altérée de l'évènement : parapluie obligatoire !
V200, mission ATV-2 "Johannes Kepler"
Le vol 200 d'Ariane est spécial à plus d'un titre. Outre l'anniversaire symbolique d'une épopée entamée en 1979, la fusée emporte dans sa coiffe un passager d'une taille inhabituelle : le satellite ATV-2 "Johannes Kepler", un beau bébé de 20 tonnes, le plus gros chargement jamais acheminé dans l'espace par le lanceur européen. Car ATV-2 est en réalité un cargo stellaire, destiné à ravitailler la station spatiale internationale (ISS) en vivres, carburant, oxygène respirable, vêtements et équipements de maintenance. C'est aussi un remorqueur orbital, avec la mission de ramener l'ISS sur une orbite supérieure. Enfin, c'est un éboueur du ciel : les déchets accumulés dans la station spatiale seront stockés dans l'ATV-2 avant d'être brûlés lors de la désintégration finale du satellite dans l'atmosphère...
L'enjeu est crucial, et le rendez-vous avec l'ISS d'une précision millimétrique. En conséquence, la fenêtre de tir est réduite à sa plus simple expression : le tir à heure fixe. Impossible de décaler le lancement d'une quinzaine de minutes pour régler un éventuel incident technique. Une fois la procédure de synchronisation enclenchée, le décollage est remis entre les mains virtuelles intransigeantes des ordinateurs. Dans les sept dernières minutes, toute anomalie - même mineure - est synonyme d'un report de tir. C'est ce qui s'est passé la veille : un voyant de jauge d'oxygène a basculé au rouge, le décollage a été ajourné, et la foule déçue est repartie comme un seul homme...
H0-7 minutes, synchronisation et décompte final
H0-30 minutes. Le jour décline et la retransmission sur écran géant en direct de la salle de contrôle démarre en toile de fond. Elle durera une heure, diffusera des images filmées par les caméras du pas de tir et par des caméras embarquées sur Ariane, jusqu'à la séparation de la coiffe ; montrera la salle Jupiter, ses pupitres, ses ordinateurs, ses ingénieurs, ses VIP ; présentera les courbes de trajectoire et les données techniques de la fusée ; retransmettra pour finir les discours qui suivent immanquablement le succès d'une mission...
H0-15 minutes. Il commence à faire sombre. Deux hélicoptères survolent le site de Carapa, pour un ultime contrôle de sécurité. Tout le monde vérifie une dernière fois son matériel de prise de vue.
H0-7 minutes, initialisation de la séquence de synchronisation. Tous les voyants sont au vert. La pluie s'est calmée, cédant la place à un faible crachin. Les parapluies sont repliés, les yeux rivés sur l'horizon où un point lumineux luit, chargé de promesses : c'est le pas de tir, quasi indiscernable avec ce temps bouché. On ne distingue pas la silhouette d'Ariane.
Dernières minutes sans anicroche et soudain, la voix du Directeur des opérations (DDO) retentit dans les haut-parleurs : "A tous de DDO, attention pour le décompte final : 10, 9, 8...". Au top final, le moteur principal d'Ariane (Vulcain) s'embrase, suivi 7 secondes plus tard par les deux boosters (EAP, pour "étage accélérateur à poudre") : Ariane décolle...
18h50mn55s : H0, décollage !
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Pour se mettre dans l'ambiance, je vous invite à écouter ce sonore enregistré sur site. Pour plus de réalisme, je recommande de brancher un bon casque sur le PC et de monter le son. Bien sûr, l'ampleur est bien supérieure, nettement plus intense dans la réalité, mais cela donne un bon aperçu : parce que le bruit d'Ariane au décollage fait tout autant partie de l'exotisme technologique que la vision de la fusée s'élevant dans le ciel. A noter qu'avec la distance, le son arrive en décalé (comme le tonnerre, après les éclairs).
Que dire du décollage ? L'espace de quelques secondes, il fait jour en pleine nuit ! A l'allumage des EAP, une boule orangée, incandescente, explose comme un soleil éblouissant et grimpe à une vitesse vertigineuse vers les nuages. C'est vraiment spectaculaire. Une clameur de stupeur et d'émerveillement s'élève de la foule, fascinée. C'est alors que la fusée se fait entendre. Un grondement sourd, comme un tremblement de terre. Puis, rapidement, le son enfle, très grave, énorme, profond et crépitant, il roule et se répercute dans le ciel noir... A l'horizon, la nuit est redevenue sombre et des volutes de fumées claires s'élèvent du pas de tir. Ariane a disparu dans les nuages en moins d'une minute. Les gens applaudissent, c'est fini. Nous n'en verrons pas plus ce soir, car des nuages opaques nous empêchent de voir la trajectoire lumineuse de la fusée qui monte vers son orbite.
Ce sera pour une autre fois. Peut-être sur la plage de Kourou, très prisée car bien placée, dégagée et tous publics. Il reste encore 5 tirs d'Ariane, 3 lancements Soyouz (le premier en avril) et 1 tir Vega avant la fin de l'année...
Pour plus d'informations sur Ariane 5 V200 et sur le satellite ATV-2 "Johannes Kepler", vous trouverez ci-dessous une série de liens à consulter :
♦ Pour visionner le décollage du vol 200 de la fusée Ariane, cliquer ici.
♦ Pour consulter le blog de la mission ATV-2, cliquer ici.
♦ Pour lire et/ou télécharger la plaquette technique d'Ariane V200 - ATV-2, c'est ici.
♦ Pour voir des photos du décollage d'Ariane 5 V200 depuis Carapa, visitez l'album dédié !